Mounira Khemir, Anne Delassus s’initie à la mémoire d’un peuple

Table ronde de l’Été photographique de lectoure, Lectoure 1996. Extrait

Comme cette réfugiée de Kirkouk, le regard perdu au loin, bordant son bébé dans son berceau. Ce bébé est la promesse nécessaire à la continuation d’une généalogie. Ou bien ces allures de femmes dans leurs robes de fête, habits de fête, habits de tous les jours. Aussi solides que le roc qui les isole et les protège. Visages authentiques, regards perdus au loin rejoignant parfois ce mari perdu et dont la photographie suspendue au cou en témoigne. Cette vieille qui semble émerger de ses draperies, le regard aussi espiègle que celui d’une adolescente décidée à poursuivre le combat, celui du quotidien, d’une mémoire qu’on cherche à tuer, à enfuir, d’un peuple qui ne trouve pas encore sa patrie. Frontières et exils sont le destin de ce peuple et dont le seul espoir est porté au quotidien par ces femmes et ces enfants. Fières allures ou figures mythiques, plongée dans quelles mythologies ? Celle tout simplement des petites mythologies de la vie. Sous forme de reportages effectués lors de voyages dans le Kurdistan irakien, Anne Delassus s’initie à la mémoire d’un peuple grâce à des contacts fructueux entretenus avec ces femmes kurdes. Elle participe à sa façon à cette mémoire en voulant garder des traces des gestes les plus quotidiens et les plus simples. En transmettant l’essentiel, à force d’être écrasées, ces femmes se révèlent fortes. C’est peut-être dans ce désir d’une construction permanente au quotidien, qu’elles gardent leur identité. Ilot ou oasis de paix malgré les menaces, ces visages sont chargés d’un espoir et d’une détermination.